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Les changements de l’organisation du travail

L’organisation du travail a changé

Le travail a beaucoup évolué au cours de ces trente dernières années, il est devenu plus abstrait et plus complexe, nécessitant l’acquisition de nouvelles compétences dans le domaine de la communication notamment. Exercer un métier comportant une composante relationnelle prédominante requiert une capacité de réflexion individuelle et en groupe : il est nécessaire de penser ce que l’on fait, de s’adapter, de communiquer efficacement, d’interagir en cohérence.

Ainsi, l’entreprise devient de plus en plus relationnelle et ces relations sont importantes puisqu’elles ont des répercussions sur la souffrance au travail, mais également sur la productivité et la qualité du travail.

Dysfonctionnement managérial : néolibéralisme et ESS

Mais aujourd’hui, il y a quelque chose qui ne tourne plus rond dans nos organisations.

Tout le monde ou presque s’en rend compte : la façon dont nos entreprises sont dirigées ne nous va plus. Le système est à bout, toutes les enquêtes montrent le désengagement des salarié·e·s.

Le dysfonctionnement managérial touche tous les types d’organisations : les entreprises coopératives, malgré la noblesse de leur mission, ne semblent pas être toujours de meilleurs employeurs que les entreprises dites « classiques ».

Par ailleurs, les spécificités du monde de l’ESS (relation des salarié·es au travail souvent influencée par l’engagement pour une cause), viennent fréquemment justifier la transgression des normes du monde du travail : non-respect des horaires, flexibilité de l’emploi, licenciements abusifs, absence de négociation salariale…

On peut en constater les effets : montée de l’absentéisme, des départs et donc des pertes de compétence, désengagement, voire une dégradation du climat social avec de la crispation et des tensions.

La pénétration du référentiel néolibéral dans les pratiques de ces entreprises aujourd’hui exacerbe désormais les tensions entre les intentions proclamées et la réalité des pratiques observées.

Souffrance au travail

Les conséquences de ces changements sont :

  • Compétition et concurrence entre individus
  • Les rapports de solidarité sont fragilisés
  • Des délais de plus en plus courts
  • Des travaux à réaliser dans l’urgence
  • Pas de temps morts
  • Des indicateurs d’évaluation de plus en plus abstraits
  • Précarité subjective
  • Un contrôle possible permanent
  • Des comportements hostiles des usagers, des résident·e·s, des client·e·s etc.
  • Un manque de reconnaissance de la hiérarchie
  • Un contexte économique difficile
  • Une évolution forte des métiers (repères bouleversés, perte d’identité professionnelle etc.)
  • Une très forte augmentation des contraintes gestionnaires

Aux côtés des pathologies, il y a la souffrance au travail « le vécu qui surgit lorsque la personne se heurte à des obstacles insurmontables et durables, après avoir épuisé toutes ses ressources pour améliorer l’organisation réelle de son travail vis-à-vis de la qualité et de la sécurité ».

Au niveau de l’ESS : 55% des salarié·es et 73% des dirigeant·es déclarent se sentir sous pression.

Les trois causes principales sont :

  • les relations avec les usagers
  • les conditions d’accueil
  • les contextes en perpétuelle évolution

Impact sur le collectif

Ces changements entraînent des tensions au sein des entreprises. Or, on a tous tendance à refouler les tensions, à « mettre la poussière sous le tapis » et à rendre invisibles ces tensions alors que le processus de vie est indissociable des tensions. Il faut agir pour apaiser les tensions sans quoi, on en arrive au conflit qui contient toujours une charge émotionnelle vive. La majorité d’entre nous ne veut pas aller dans cette zone. Ce n’est pas valorisé dans notre société d’être perçu comme conflictuel, et les personnes prenant part ou étant instigatrices de conflits sont jugées négativement. À la base, il s’agit souvent de problèmes de communication ou de perceptions.

Or, les désaccords font partie de la vie, et ce, autant au travail que dans la sphère personnelle. Les accueillir comme incontournables nous permet d’être plus compétents pour les traverser, de façon individuelle et collective.  On peut même affirmer que le conflit, c’est la pierre angulaire des organisations saines car il permet de développer les compétences d’être conscient, de s’exprimer, d’écouter et de prendre soin des relations, pour non seulement faire face aux conflits, mais les parcourir pour grandir.

Il est faux de croire qu’un conflit affecte seulement les personnes concernées. En effet, les dommages collatéraux sont grands et se répercutent sur: l’ensemble de l’équipe de travail en créant un climat désagréable; sur l’efficacité de l’organisation puisque les gens peuvent prendre des décisions douteuses en faisant de l’évitement; et sur les familles des victimes d’un milieu de travail propice aux stress et aux relations néfastes.

À l’opposé, développer la capacité de bien vivre avec les conflits est moteur d’innovation et de performance organisationnelle. Et si nous arrivions à percevoir le conflit comme un signal, que nous faisons face à quelque chose de différent ou d’inconnu et que cela nous permet de saisir une opportunité de s’élever.

Gérer les tensions

Capter une tension : elle est l’expression d’un besoin non satisfait dans l’organisation. L’être humain est un fantastique capteur de tensions : quand il y a une tension, la mise en œuvre peine, l’individu n’est plus efficient, le projet peut flancher, voire s’arrêter. Bien souvent, les individus compensent, c’est à dire qu’ils agissent pour alléger les tensions ressenties en dehors de leur cadre d’action et de manière officieuse. Et si cette compensation s’installe dans l’implicite, cela ne permet pas à l’organisation d’évoluer. La première responsabilité d’un membre de l’organisation consiste donc à exprimer ces tensions.

Traiter les tensions : chaque tension est à traiter dans l’espace qui lui est approprié selon un processus spécifique. En effet, elles signalent des dysfonctionnements de nature très différente qui pour être résolues, feront évoluer l’organisation à des endroits très différents.

C’est pourquoi il est nécessaire de distinguer les tensions opérationnelles, les tensions de gouvernance, les tensions stratégiques et les tensions interpersonnelles.

Une tension opérationnelle est ressentie quand il me manque quelque chose de concret pour avancer dans ce que j’ai à faire et que je sais à qui je dois m’adresser pour l’obtenir. Pour la traiter, il s’agit juste de mieux se synchroniser.

Une tension de gouvernance apparaît lorsque l’action dont j’aurai besoin est récurrente et que je ne sais pas vers qui me retourner pour en demander la réalisation, soit parce qu’il n’y a personne pour ça (un trou dans la raquette), soit parce qu’il y a un flou ou une interférence entre plusieurs personnes qui ont des périmètres de travail proches. Le traitement de ces tensions verra se mettre en place un processus qui permet de décider ensemble de la modification, de la création ou de la suppression de certains rôles.

Si j’ai des difficultés à prioriser le travail ou si j’ai la sensation que les différents rôles de l’organisation poussent dans des directions différentes ou que la direction que nous prenons n’est plus adaptée aux besoins de notre environnement, alors sans doute que je suis dans une tension stratégique.

Les tensions interpersonnelles sont à traiter, elles dans un espace spécifique appelé « espace de régulation ».

Pour chacune de ces types de tensions, il y aura donc un espace de réunion spécifique avec une régularité et un processus adapté.

Les organisations ont donc tout intérêt à se doter d’une politique de résolution des conflits responsable.

Responsabilité des organisations

Au delà des processus formels tels que la médiation, l’arbitrage, la négociation, la conciliation… comment chacun·e d’entre nous peut-il ou elle développer des réflexes favorisant une approche du conflit :

  1. On s’assoit et on essaye d’en parler
  2. On prend quelqu’un·e en qui nous avons confiance (qui a développé une bonne capacité d’écoute et sait faciliter l’expression de chacun·e et ou qui s’est formé·e ) pour nous aider à résoudre mais il ne tranche pas. Mais on commence à mieux comprendre ce qui se passe. Et si ça ne fonctionne pas :
  3. On prend une personne qui a une autorité morale mais qui ne peut pas trancher et c’est souvent là que celui ou celle qui est responsable de la tension « jette l’éponge ».
  4. On peut faire appel à un tiers professionnel type médiateur·rice ou facilitateur·rice
  5. In fine, si ça prend trop de temps et d’énergie, le ou la boss peut finir par trancher.

Dans ce contexte, de nombreuses organisation voient émerger des crises…

Vous vous sentez concerné·e ?

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